Qui a abattu l’avion du Président Juvénal Habyarimana le 06 Juillet 1994 ?

 

la carcasse l'avion du Président rwandais Habyarimana, touché par un missile de fabrication russe, le 06 Avril 1994 au dessus de Kigali.


La vérité sera-t-elle un  jour connue ?

 

Le Rwanda est un pays félicité  par tous. De maquisard, le Président Kagamé Paul est aujourd'hui vu comme une icône en matière de gouvernance. L'homme a pris de l'ascendance sur les autres présidents africains, surtout ceux d’Afrique francophone qu'il intimide indéniablement. La presse continentale lui est entièrement acquise.


Pourtant une épine demeure bel et bien dans le pied de Kagamé Paul. Le  06 Avril 1994 à 20H30 heure locale, le Président Juvénal Habyarimana du Rwanda revient d’un sommet régional organisé en Tanzanie, sur la  crise qui secouait son pays et le Burundi voisin. Son avion est abattu alors qu’il amorçait sa descente  sur  l’aéroport  de Kigali. Qui a  abattu cet avion ? La question fait débat jusqu'aujourd'hui. 


Alors que tous les faisceaux d’indice pointent vers  Paul Kagamé, alors commandant en chef du FPR (le Front Patriotique Rwandais) dont un régiment stationnait dans la capitale sur une colline surplombant l’aéroport (en vertu des accords entre ce mouvement et le pouvoir rwandais), lui accuse plutôt l’armée rwandaise d’avoir elle-même éliminé son chef, afin de « faire échouer »  les négociations de paix qui avaient cours en ce moment.  Dès le lendemain du drame, les partisans du Président  Juvénal Habyarimana ont commencé les exactions   sur les populations réputées proches du FPR. Ce fut le début de l'une des périodes les plus sombres de l'histoire contemporaine africaine. Qui a abattu  cet avion ?

 

 

 Le déroulé des événements contredit la version du Président 

Kagamé

 

Si la thèse défendue  par Kagamé reste envisageable, elle ne cadre pas avec le déroulé des événements. Suite à la disparition du président Habyarimana, le pouvoir rwandais ne s’est jamais véritablement reconstitué.  Certes un gouvernement fut mis en place pour pallier le vide, mais il a « flotté » jusqu’à sa chute. Visiblement l’état-major  rwandais était pris de court par la  disparition soudaine  de son chef, il n’y était pas préparé, il n’avait aucun plan pour la suite.  


 

Or le Front Patriotique Rwandais (FPR) du Commandant Kagamé est passé à l’offensive en direction de la capitale, la nuit même du drame. Ce timing éveille des soupçons, il semble indiquer clairement que Kagamé Paul ne fut pas surpris par les événements. Mieux, qu’il attendait ce signal. En face, l’armée rwandaise était certes nombreuse et bien équipée, mais sans « tête de commandement ». Désemparée, ballottée, elle va se disloquer. Quelque chose était « cassée » au sein de l’armée du régime. Des officiers clés de l'état-major avaient péri avec le Président, ce qui permettra aux forces de Kagamé, bien peu nombreuses, « d’accélérer »  jusqu’à la prise de la capitale Kigali. 

 

 

Le Front Patriotique Rwandais ( FPR )

 

 

Le Front Patriotique Rwandais fut fondé non par Kagamé Paul, mais un certain Fred Rwigema en Ouganda, à la fin des années 80. Les incursions au Rwanda ont commencé au début des années 90.  Fred Rwigema  perdit la vie  au cours des combats. Sa disparition  fut cachée  aux troupes, à qui on fit croire qu’il  « recevait des soins en Ouganda ». Pendant ce temps, le Président Yoweri Museveni d’Ouganda, « parrain » du FPR, plaça à sa tête le commandant Kagamé, qui a eu  ainsi  le temps d’asseoir son autorité.

 

Ce fut un moment délicat pour ce mouvement rebelle.  Si la mort de son fondateur avait été immédiatement révélée,  une guerre des chefs aurait éclaté entre les différents commandants.  Le  mouvement risquait alors de se disloquer en plusieurs branches de facto rivales les unes des autres.  Cette leçon, Paul Kagamé va la retenir.  Il va comprendre que la disparition du Président Juvénal Habyarimana aura le même effet sur l'armée rwandaise, elle va briser la cohésion de cette armée.  

 

Notons que dans le cadre des accords conclus entre le FPR et le gouvernement rwandais à l’époque sous l'égide de la communauté internationale, un régiment du FPR avait été positionné dans la capitale Kigali, sur une colline surplombant l’aéroport. Il devait protéger les membres du FPR présents dans le gouvernement "d'union nationale". C’est à ce régiment que sera confiée la mission d’abattre l'avion du président Juvénal Habyarimana.

 

 

 

La question des « Numéro 2 » dans les dictatures

 

 

Dans une dictature, il n’y a jamais de « Numéro 2 ».  Les dictateurs règnent généralement sans partage. Ils ne sont secondés par personne. La raison est toute simple,  le  «  numéro 2 »  finit toujours par être vu comme une alternative au dictateur lorsque les choses tournent mal. Ce qui s’est passé au Zimbabwe en 2017, avec le remplacement de Robert Mugabe par son vice-président Emmerson Mnangagwa dans des conditions proches du putsch, est la hantise de tout dictateur. Ainsi le dictateur va toujours concentrer  tous les pouvoirs opérationnels. 

 

Le problème, c’est la paralysie du régime lorsque le dictateur vient à disparaître brusquement, sans avoir eu le temps d'organiser sa succession. Le Président Juvénal Habyarimana était un dictateur comme la majorité des présidents africains de sa génération. Ainsi en abattant son avion, c’est en même temps l’Etat rwandais qu’on abattait.  D'où le vide qui ne s'est jamais véritablement comblé jusqu'à la chute de la capitale.  Ainsi les régimes dictatoriaux sont bien plus fragiles qu'ils n'y paraissent.

 

 

 

La  question des milices 

 

 

On a beaucoup parlé des milices, comme une « création »  du clan du Président Habyarimana, notamment son épouse.  C’est une lecture biaisée.  Dans un pays en conflit, des milices vont toujours se constituer au sein de la population. C’est inévitable.  A la faveur du désordre, du recul de l'autorité de l’Etat,  et de la ferveur patriotique, des groupes dits « d’auto-défense » voient spontanément le jour, constitués de jeunes que l’armée régulière ne peut absorber. On a connu ce phénomène en Côte d’Ivoire.  Il existe aujourd'hui des milices au Mali, au Burkina Faso, dans le Nord du Nigéria, au Soudan du Sud, dans l’Est du Kenya, dans l’est et le Centre de la RDC, au Burundi, en Centrafrique, en Libye, en Somalie, etc…..etc……..partout où il y a conflit.

 

Les autorités sont mises très souvent devant le fait accompli, et essaient tant bien que mal de garder la situation sous contrôle.  Car on ne peut pas dissoudre ces milices par décret. Au fil du temps, elles se structurent et deviennent une force dont il faut tenir compte. Ce qui fait d’elles un couteau à double tranchant, exécutant des basses besognes, et commettant des exactions sur les civils supposés « proches » de l’ennemi. C’est quelque chose qui est difficile à contenir par un gouvernement lorsqu’il est pris dans le tourbillon d’un conflit.

 

Ainsi au début des années 90, des milices vont se constituées au Rwanda, lorsque  les combats ont commencé avec le FPR.  Elles étaient « contenues » tant bien que mal par le pouvoir en place. Mais on l’a souligné, en abattant l’avion du président rwandais, on abattait en même temps l’Etat rwandais.  Dès lors il n’y avait plus rien ni personne pour les retenir, il n’y avait plus d’ordre, les milices vont alors se déchaîner  sur tous ceux supposés avoir des affinités avec l'ennemi, dans un désir de vengeance du Président Habyarimana.  

 

Le  « nouveau pouvoir », perdant du terrain sous la pression de l'offensive déclenchée par Kagamé, n’avait aucun moyen d’arrêter les massacres. Les « tutsis »  et tous ceux qui tentaient de les protéger, étaient vus comme une cinquième colonne. Aujourd’hui dans les pays du sahel les peuls sont associés aux djihadistes, ainsi ils sont massacrés par les milices d’auto-défense aux yeux de tous. Leurs villages sont rasés. Dans certains cas, la complicité des armées de ces pays est clairement établie. Mais tout cela reste « relativement contenu » parce que les pouvoirs sont en place. Au Rwanda le pouvoir n’existait plus.

 

En dernière analyse, on peut le dire, ceux qui ont abattu l’avion du président rwandais portent une part indéniable de responsabilité dans la tragédie qui s’est produite, au même titre que les milices qui ont perpétré ce drame. Si le Président était resté en poste, les milices  seraient restées sous contrôle.

 

 

 

La « communauté internationale » a le devoir de confronter Kagamé 

à son passé

 

 

Le Président Juvénal Habyarimana rappelons-le, rentrait d’un sommet régional organisé en Tanzanie, sur la crise qui secouait son pays. Le sommet s'était achevé à 16H. Mais sitôt après, le Président Yoweri Museveni d’Ouganda le convia à des « discussions approfondies », qui  prirent fin à 19H.  Avec le recul, on réalise que la stratégie du président Ougandais a consisté à retenir le président Habyarimana le temps nécessaire afin  que son avion se présente à la nuit tombée au-dessus de Kigali. 


On sait que le missile qui a abattu l’avion était en dotation dans l’armée ougandaise.  Tous les dissidents du FPR en exil ont accusé avec force détails le Président Kagamé sur ce qui s’est passé le 06 Avril 1994. Quelles preuves veut-on de plus ? 

 

Une fois dans la place à Kigali, le commandant Kagamé devait faire face à des groupes armés  issus de la dislocation de l’armée régulière. Il parvenait toujours à repérer le commandant de chaque groupe et à l’abattre, ce qui on l’aura compris,  désorganisait totalement le groupe. Cette même stratégie employée sur l'armée rwandaise en faisant abattre l'avion qui transportait son chef. Finalement ces groupes ont tous reflué vers l’ex Zaïre (actuelle RDC). Une armée « sans tête » est une force paralysée, quel que soit son équipement, son entraînement, sa taille.

 

C’est ce principe simple que le commandant Kagamé a mis en œuvre, d’abord sur le Président Habyarimana, ensuite sur les différents « chefs de guerre » qui ont émergé après la débâcle de l’armée rwandaise. 


Interviewé par un journaliste canadien peu après être rentré dans la capitale, il avait reconnu que l’avion du Président Habyarimana était « une cible juste et légitime », quand bien même des négociations de paix étaient en cours.  Il  a commencé à changer de discours quand l’ampleur des massacres s'est peu à peu révélée, car il a su au fond de lui qu’ils étaient la conséquence immédiate de son acte.

 

Le Président Kagamé jouit aujourd'hui d’une  aura indéniable. Mais en vérité, c’est une aura malsaine. Un lourd passif reste accroché sur sa conscience.  N’oublions pas les deux guerres qu’il a déclenchées au Congo (RDC) qui ont fait des millions de morts. Personne n'a  condamné ce monsieur. 


Aujourd'hui au Rwanda, ouvrir une Eglise, organiser une grève, détenir du plastique, etc… mène droit en prison.  La « communauté internationale »  choisit de fermer les yeux par couardise. Quand va-t-on les ouvrir ? Tout le monde se couche devant cet homme. Personne n’ose le confronter à son passé. Quand va-t-on oser dire la vérité sur ce qui s'est passé le 06 Avril 1994 ? Il le faudra bien un jour.  

Douglas Mountain  oceanpremier4@gmail.com

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